Stimuler la créativité d’un territoire représente un enjeu majeur pour le développement économique, scientifique, culturel et touristique. Dynamiser les atouts créatifs d’une population permet de créer de nouvelles opportunités, de générer de l’emploi, d’éveiller des vocations, de provoquer l’entrepreneuriat, de faire rayonner une région ou encore de susciter l’inattendu au profit d’entreprises innovantes, de recherches scientifiques porteuses et d’un essor social.
Lorsque l’on jette un coup d’œil sur des pôles d’innovations et de savoirs mondialement reconnus, une pratique revient invariablement : croiser les arts avec les sciences et l’innovation afin de provoquer une émulation et un élan créatif qui n’existerait pas sinon. L’idée de ce décloisonnement est d’aller chercher la créativité là où elle abonde. Dès lors, ces initiatives ne pourraient-elles pas inspirer le redressement de la Wallonie ? Ne serait-ce pas le début d’une solution de décloisonner ces secteurs pour que chacun puisse contribuer à l’essor de l’autre ?
Retrouvez ci-dessous la synthèse de l'étude de différentes initiatives de décloisonnement des arts avec les sciences et l'innovation à travers le monde. Et plus bas, un bref résumé du document et une réflexion à propos du territoire wallon.
Une analyse des initiatives de décloisonnement |
L'art : un axe stratégique à travers les plus grands pôles d'innovation et de savoirs
Depuis la fin des années 1960, les initiatives de décloisonnement ont fleuri à travers les États-Unis et l’Europe tant dans les domaines académiques et scientifiques que dans le secteur économique. Le M.I.T. n’a cessé, par exemple, de développer son offre artistique via notamment la création d’une école d’art afin que la majorité de ses étudiants en ingénierie ou en sciences de toute discipline puissent nourrir leur esprit créatif via des cours de pratique et étude artistiques. Citons encore les universités de Harvard, Chicago, Yale, Carnegie Mellon, Stanford ou encore Caltech et de nombreux laboratoires scientifiques qui accueillent aussi des artistes pour profiter de leur point de vue singulier.
Toujours outre-Atlantique, le professeur de Stanford Fred Turner s’est penché sur L’usage de l’art (livre homonyme) dans les systèmes de management des entreprises de la Silicon Valley après avoir découvert les bâtiments couverts d’art de Google et de Facebook. D’autres études montrent l’omniprésence de l’art dans ces entreprises innovantes grâce à un effet de ruissellement de cette démarche depuis les universités vers les entreprises.
En Europe, le CERN de Genève collabore depuis plus de dix ans avec des artistes et continue à renforcer cette démarche. Le CEA en France a développé également de telles collaborations, tout comme les écoles polytechniques de Zürich et de Paris. Plus difficiles à déceler, les initiatives de ce type dans les entreprises sont néanmoins nombreuses.
Et en Wallonie
Un rapide survol de notre région amène à un triste constat, celui de voir un secteur culturel sous-financé et marginalisé, retranché dans son seul rôle « récréatif ». Quinze ans après le début du programme Creative Wallonia, le secteur culturel reste largement en marge de tout processus de R&D, d’innovation, de recherche scientifique et de production de savoirs. Le credo de ce programme disait pourtant à l’origine : « Plus un territoire est créatif, plus il y aura de chances que les entreprises sur ce territoire soient elles-mêmes innovantes ».
Il y a plus de 20 ans, dans son 2001 Future of the Arts Report, l’Université de Chicago s’est justement posé la question du rôle de l’art confrontant son caractère récréatif avec sa capacité d’innovation et concluant sur son potentiel de développement d’esprits intellectuels et créatifs. Le Prix Nobel de Physique Jérôme Friedman précise à ce sujet :
Une profonde connaissance de l'art encourage chacun à travailler à la périphérie, à enfreindre les règles et à faire des sauts intuitifs dans l'inconnu pouvant mener à des découvertes cruciales.
On peut malheureusement déplorer qu’avec 15 ans de recul et d’investissements, les intentions de développer la créativité sur le sol wallon fait toujours fi du monde artistique, là où justement le potentiel créatif est abondant. Structurer cette démarche à l’échelle du territoire est non seulement possible mais hautement souhaité au regard des références citées, quelques-unes parmi bien d’autres.
Développons une véritable vision et stratégie pour notre territoire
Soutien financier, dispositifs d’encouragement, élaboration d’écosystèmes, pouvoir fédérateur, communication adaptée, facilitateurs, levées de freins administratifs… Les leviers politiques restent indispensables pour développer un projet structurant et pérenne. La Wallonie mérite une véritable vision et une stratégie pour déployer ce dernier globalement, rapidement et efficacement.
À ce stade, seule une poignée d’acteurs wallons travaillent dans cet esprit axant généralement leurs activités sur la monstration de résultats de décloisonnement via des expositions ou des festivals dont le KIKK de Namur et IMPACT du Théâtre de Liège. L’idéation, l’exploration et l’expérimentation interdisciplinaires, sans parler de l’enseignement, ce qui fait toute la richesse de cette approche, ne font pas l’objet d’une structuration régionale qui demanderait pour commencer une concertation entre les porteurs de ces compétences : économie, culture, enseignement, rayonnement…
À la veille de l’élaboration des déclarations de politique régionale et communautaire, peut-on imaginer une telle concertation au profit de la créativité du territoire ? Tant les domaines économiques et scientifiques en sortiront redynamisés tandis que la culture bénéficiera d’un véritable changement de paradigme, passant de récréative et sous-financée à innovante et essentielle. Donnons les moyens à la population de développer de véritables compétences créatives qui s’avèrent indispensables dans ce siècle d’enjeux environnementaux majeurs et de bouleversements numériques annoncés.