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  • Thibaut Wauthion

Focus On | Le rôle des arts dans les découvertes majeures du XXe siècle


En résumé : Ce focus porte sur une étude de Rogers Hollingsworth, historien et sociologue, qui a analysé le contexte d’émergence de découvertes scientifiques majeures avec pour conclusion : plus l’habilité de comprendre et d’appréhender le monde de différentes manières est complexe et diversifiée, plus la probabilité de développer des recherches scientifiques porteuses est également grande. L’étude met en avant la pratique ou la connaissance des arts comme une des façons d’accroitre l’émergence d’une découverte scientifique majeure.

"Et c’est cette capacité qui augmente considérablement le potentiel de faire une découverte une majeure !"

Dans son essai High Cognitive Complexity and the Making of Major Scientific Discoveries, Rogers Hollingsworth détaille l’étude de 291 découvertes majeures dans les sciences biomédicales en Grande-Bretagne, en France et aux États-Unis à travers l’analyse du contexte sociologique de ces recherches. Lors de cette étude, Rogers Hollingsworth a, en effet, pu observer des caractéristiques sociales et psychologiques récurrentes de scientifiques impliquées dans ces découvertes majeures.

En raison de l’emploi beaucoup trop généralisé du terme ‘créativité’ ce qui empêche toute définition stricte, l’auteur a préféré utiliser le terme ‘high cognitive complexity’. En résumé, une ‘grande complexité cognitive’ est la capacité d’observer et comprendre de façons nouvelles la relation entre des phénomènes complexes, ainsi que la capacité de voir des relations entre différents domaines de connaissances.

L’essai de Rogers Hollingsworth se divise en trois parties :

  • le contexte social des laboratoires où ont émergé ces découvertes majeures ;

  • les scientifiques eux-mêmes et la raison pour laquelle ils disposaient de cette ‘grande complexité cognitive’ ;

  • la mise en relation des découvertes de cette étude avec des méthodes récentes d’analyse notamment en neurosciences.

Cet essai étant particulièrement dense, je me concentre uniquement sur le deuxième point afin de tenter de résumer la complémentarité des arts et des sciences dans l’enrichissement de notre vision du monde, processus favorisant la connexion entre divers savoirs, ainsi que leur interprétation et leur compréhension.


Une connaissance diversifiée à la source de découverte majeure

Grâce aux milliers de données glanées au sujet des auteurs de ces découvertes majeures, il a été constaté que le multiculturalisme et les arts représentaient des atouts essentiels. La majorité des scientifiques étudiés présentent, en effet, soit une intégration de plusieurs cultures sociales, religieuses, ethniques ou nationales via leur parcours de vie, soit une participation à diverses pratiques artistiques ou un intérêt prononcé pour ces domaines des sciences humaines. En résumé, plus l’habilité de comprendre et d’appréhender le monde de différentes manières est complexe et diversifiée, plus la probabilité de développer des recherches scientifiques porteuses est également grande.

Une profonde connaissance de l'art encourage chacun à travailler à la périphérie, à enfreindre les règles et à faire des sauts intuitifs dans l'inconnu pouvant mener à des découvertes cruciales. (Jerome I. Friedman, Prix Nobel de Physique)

La nationalité de ses parents, leur religion, leur statut social, le lieu et le contexte où l’on a grandi – en d’autres mots, le nombre de différentes cultures intériorisées – ne sont généralement pas le fruit de notre propre volonté. Rogers Hollingsworth a heureusement observé une autre tendance, celle d’ajouter à sa complexité cognitive un engagement mental intensif à des activités qui ne semblent pas directement liées à son domaine d’expertise, ces activités permettant d’enrichir la complexité de sa compréhension du monde.

Citant les travaux du psychologue Robert Root-Bernstein, Rogers Hollingsworth appuie que l’expression artistique, l’intuition musicale, la compréhension profonde d’œuvres d’art, le vertige de la création artistique produisent de nombreux effets positifs sur la conduite de recherche scientifique, ajoutant que

personne ayant des intérêts monomaniaques ou limité à un seul talent ou compétence ne peut [ . . . ] être créatif, car rien de nouveau ou de valeur ne peut émerger sans faire des liens surprenants entre les choses [ . . . ]. Créer, c'est combiner, connecter, analogiser, relier et transformer.

Ces activités artistiques permettent de développer l’habilité de comprendre la réalité de plus d’une façon en favorisant d’autres compétences, idées, métaphores, analogies ou stimulations sensorielles. La compréhension et la connexion entre des savoirs différents sont favorisées par cette démarche valorisant la curiosité, l’ouverture d’esprit, la soif de connaissance et la rencontre.


"To create is to combine, to connect, to analogize, to link, and to transform"

Très riche, l’étude de Rogers Hollingsworth développe un point de vue objectif sur le croisement des arts et sciences grâce au traitement des données récoltées via la statistique notamment. Elle montre également que les va-et-vient entre ces disciplines n’ont jamais cessé malgré la tendance croissante à la spécialisation pendant le XXe siècle, tout en apportant un éclairage sur l’apport des arts au profit des sciences. Je vous encourage vivement à lire cet essai trop brièvement résumé dans ces quelques lignes.

Pour terminer, Rogers Hollingsworth liste de façon non-exhaustive les auteurs de découvertes majeures, lauréats de Prix Nobel et autres distinctions, qui sont également actifs dans les arts, l’artisanat ou la politique. Albert Einstein était musicien, Marie Curie poète, Louis Pasteur dessinateur…

Thibaut Wauthion



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